Gotcha!

Sun February 12, 2006 @ 21:26 |

Dominique prend des cours de Cérémonie du Thé depuis deux ans, et voulait nous faire partager sa passion. Samedi 4 février, dans son école et son beau kimono, elle nous a donc préparé le thé, selon les gestes traditionnels, délicats et précis. En bons Français, nous ne savions absolument pas comment nous asseoir ni comment réagir, mais le professeur et les autres élèves étaient heureusement très compréhensifs. Omacha, osencha et okuicha (1): nous avons en fait eu droit à trois cérémonies! Défilé de kimonos de soie et multiples courbettes, gâteaux et sucreries variés pour accompagner les petits bols de thé amer (et vraiment très spécial…), et explications traduites juste pour nous.

Nous avons même eu le privilège de préparer chacun un petit bol de macha: pas facile! Il faut savamment doser la poudre de thé et l’eau, puis manipuler fermement le “blaireau” pour faire mousser la mixture verte. Pour servir le thé, il faut présenter la face avant du bol à l’invité, pour qu’il puisse l’admirer longuement. Je sens deux questions pressantes vous venir à l’esprit:

  • Comment faire la différence entre la face avant et arrière d’un bol?!
  • Comment tenir ce foutu bol sans avoir l’air d’un attardé?

Facile de tenir le bol: main gauche à plat sous le bol pour le soutenir, main droite ouverte le long du bol avec la pouce et l’index proche du bord (mais pas dedans, surtout pas, houlala) et l’auriculaire sous le bol. Bon ok. Il m’a fallu du temps.

Facile de repérer l’avant et l’arrière: les bols étaient joliment peints, et tous différents… mais tous avaient cette particularité: un côté un peu plus décoré, et l’opposé un peu plus sobre. L’avant, c’est le plus décoré! Bon ok. Il m’a aussi fallu du temps.

Ensuite: pour pouvoir enfin goûter le thé, l’invité doit faire tourner le bol en une ou deux fois (respectivement pour les hommes et les femmes) vers l’extérieur (de la main droite) (vous suivez?), de façon à boire sur l’arrière du bol. Puis il faut essuyer délicatement le bord de la main droite, puis refaire tourner le bol dans l’autre sens, afin admirer à nouveau la face avant, pour avoir enfin le droit de le reposer et avaler le gâteau. Miâm.

Important, côté préparatrice, le nettoyage répété et méticuleux de chaque accessoire. Pour s’essuyer discrètement les doigts, elle a pris soin de placer un ensemble organisé de mouchoirs et de papiers dans l’ouverture du kimono. Elle doit servir d’abord l’invité le plus à gauche, censé être le grand chef du groupe. Le chef n’a pas droit à l’erreur, car les autres vont copier ses gestes: il doit donc savoir comment déposer et découper le petit gâteau, s’il faut le manger avant ou après avoir goûté au thé. Il doit savoir aussi comment tenir le foutu bol et comment le tourner. Quand tout le monde est servi, il annonce fièrement qu’il est temps de déguster, et les sous-fifres répondent à l’unisson qu’ils l’accompagnent. Puis, il doit faire la causette: il complimente bien sûr, demande d’où provient ce thé merveilleux ou ce bol magnifique… tout est méticuleusement orchesté.

Les cinq éléments fondamentaux sont présents dans les accessoires et les ingrédients: l’eau, la terre (les céramiques), le feu (pour faire chauffer l’eau) (d’accord, maintenant c’est électrique, mais…), le métal (la bouilloire), et le bois (boîtes, plateaux, piques à gâteaux et cuillère pour doser la poudre de thé). Le décor de la pièce évoque l’hiver: bois sec, fleurs de saison, héron du Japon. Le professeur a choisi de le conserver pour nous, alors que la veille correspondait à setsubun: l’arrivée du printemps selon le calendrier lunaire. Pour fêter ça, nous avons joyeusement lancé des haricots aux démons pour les chasser de l’école. Puis nous avons eu le droit d’en manger quelques uns (des haricots, pas des démons): en avaler son nombre d’années porte chance, paraît-il.

Bref, ce fut une journée culturelle réussie!

(1) Cha se prononce tcha et signifie infusion/thé. Pour parler poliment du thé, on ajoute o devant son petit nom. Le thé vert japonais classique est appelé simplement ocha, et le thé noir des étrangers kôcha (avec un o long).

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