Depuis mon arrivée, je suis troublée, étonnée, perdue. Le silence déjà, surtout en cette première quinzaine d’août, après le bruit perpétuel de l’Asie. Plus de flot continuel de voitures, tuks-tuks, motos… ni le claquement des tongs, ni le chant infernal des cigales, ni la radio des taxis diffusant la sirupeuse pop locale, ni l’inénarrable appel du gecko. L’air étant plus sec, mes petites chaussures ne font pas le même bruit. Les bâtiments sont tous pareils, sans lézardes, propres, sobres. On peut marcher sur les trottoirs (si l’on fait abstraction des crottes de chien).
Où sont les dorures, les odeurs agressives, le kitsch et les paillettes? Et pourquoi ils roulent du mauvais côté? Et pourquoi ils parlent tous une langue que je comprends? J’ai perdu mon statut d’étrangère, mais je ne me sens pas complètement d’ici non plus. Étrange goût de “Lost in translation“, dont l’intensité varie en fonction du lieu.
Ici, la crispation naturelle des Occidentaux contraste tant avec la nonchalance des Thaïs, des Laotiens et des Cambodgiens à laquelle je m’étais habituée. Nous qui avons toutes les raisons de nous réjouir de notre situation privilégiée, nous ne faisons que râler à longueur de journée. En bons Français. Nous devrions nous inspirer de ces gens, de leur tolérance et de leur patience face aux aléas du quotidien, qui leur permet de conserver leur joie de vivre malgré des conditions souvent difficiles: maï pen raï! Ils sont aussi individualistes et égoïstes que nous, mais solidaires sans militantisme, au jour le jour et comme ils peuvent. Et ça fonctionne, tant bien que mal, sans se pourrir la santé mentale. Plus efficace que les anti-dépresseurs: quelques mois en Thaïlande! On débarque l’esprit ouvert, on repart le cœur léger.
Ceci dit, 3 euros le verre de menthe à l’eau dans un café Lyonnais, faut pas pousser!